BaBar:
Qu'est-ce que c'est?
En marche depuis février 2000, l'expérience BaBar consiste à créer
des paires de particules et d’anti-particules nommées mésons B à partir de
collisions entre électrons et positrons de haute énergie. L’expérience
continuera de prendre des données jusqu’en 2006 au moins, date où elle
devrait avoir collecté environ 500 millions de paires de méson B. Son
programme de physique très riche et ambitieux (voir BaBar
Physics Book) consiste d’abord et avant tout à tester et à approfondir
notre connaissance du Modèle Standard de
la physique des particules. S’il y a lieu, les physiciens de BaBar disposent aussi
de 1001 moyens de déceler l’effet de physique nouvelle au sein de leur énorme
échantillon de données. Mais il n’est nul besoin d’attendre 2006 pour
explorer les mystères des mésons B ! Au contraire, les physiciens de
BaBar (qui sont des travailleurs acharnés) ont déjà fait plusieurs
découvertes importantes, notamment l’observation de la violation de CP dans
le système des mésons
B neutres et la découverte d’une toute nouvelle particule ! Jusqu’à
présent, les résultats des recherches faites à BaBar ont été publiés dans 70
articles de revues prestigieuses et ont été présentés lors de très nombreuses
conférences internationales (liste complète disponible ICI).
L'expérience BaBar a
lieu au Stanford Linear Accelerator Center (SLAC), sur le campus de
l'université Stanford, près de San Francisco en Californie (É-U). C'est un
laboratoire prestigieux où on a notamment démontré que les baryons étaient composées
d'autres particules plus élémentaires (éventuellement les quarks) et où ont
été découverts les quarks charmés et leptons tau, remportant ainsi trois prix
nobels de physique, dont le dernier en 1995 (http://www.slac.stanford.edu/library/nobel.html
). Toutes ces découvertes ont été réalisées au SLAC grâce à un
accélérateur linéaire jumelé à un collisionneur électron-positron. Cette même
technologie est utilisée encore aujourd’hui par BaBar qui utilise un
accélérateur linéaire (LINAC) mesurant 2 miles de long et un collisionneur
ultra-moderne de 800 mètres de diamètre nommé PEP-II .
Le collisioneur PEP-II
utilisé par BaBar est spécialement conçu
pour diriger les deux faisceaux d'électrons et de positrons jusqu'en plein
coeur du détecteur BaBar
et y provoquer des collisions frontales e+/e- de haute énergie à chaque 4,2
ns. Les faisceaux d'électrons et de positrons possèdent des énergies
respectivesde 9 Gev et 3,1 GeV et leurs collisions produisent en abondance la
particule Upsilon(4S) de masse 10,58GeV/c². Cette particule dite
"résonnance" se désintégre rapidement à son tour en une paire de
mésons B et anti-B (B_bar) avec une probabilité de ~96%. La combinaison de
tous ces facteurs résulte en une production massive de paires B-B_bar, d'où
le nom de l'expérience (BaBar). Par ailleurs, en date du 20 octobre 2003, PEPII avait produit approximativement 130
millions de paires B0-B0_bar et c'est pourquoi on dit de l'expérience BaBar
que c'est une " usine à
méson B ". Les luminosités de BaBar et de Belle (l’autre usine à méson B située au Japon)
sont de fait les plus élevées jamais réalisées !
Si le bon fonctionnement de PEP-II est une condition absolument
nécessaire au succès de l'expérience BaBar, le détecteur BaBar
peut sûrement en être considéré comme la pièce maîtresse. En effet, c'est ce
gigantesque appareil hautement sophistiqué de plus de 1000 tonnes qui est
chargée d'absorber le flot intense de radiation et de particules produites
par les collisionse+/e- et de transformer le tout en « données »
stockées dans les plus grosses bases de données au monde et éventuellement
analysées par les physiciens. En bref, le détecteur est composé: d'un
électro-aimant en forme de solénoïde produisant un champ magnétique uniforme
de 1,5 Tesla et de 5 différents sous-détecteurs. Il est conçu pour mesurer
précisemment, à chaque collision e+/e-, l’impulsion et la trajectoire des
particules produites, leur perte d'énergie différentielle le long de ces
trajectoires, ainsi que la quantité totale d'énergie déposée dans le
détecteur par l'ensemble de ces particules. La grande précision de ces
mesures permet une excellente détermination du vertex (endroit) de
désintégration des particules et une identification efficace de ces mêmes
particules, ce qui permet entre autre de différencier les mésons B0 des
mésons B0_bar: une condition nécessaire à l'analyse de la violation CP. Par
ailleurs, le détecteur est construit pour résister au bombardement intensif
auquel il est constamment soumis. Il possède également un système de
déclanchement à deux niveaux qui effectue une sorte de pré-analyse des
données et prend la "décision" de les enregistrer ou non dans la
base de données (~99% des données sont alors rejetées). Enfin, une
"ferme" de plusieurs dizaines d'ordinateurs exécute un logiciel
très complexe qui transforme les données "brutes" enregistrées dans
la base de données en termes de particules aux propriétés physiques. Ce sont
ces dernières informations qui forment les vraies données de BaBar et qui
sont ensuite utilisées pour les études de physique. On le voit, le processus
entier de la collecte et du traitement des données de BaBar est très
complexe! La fabrication d'un tel détecteur représente un exploit autant
technique qu'informatique dont la communauté de BaBar a de quoi être fière!
Cette tâche n’est toutefois pas encore terminée et de nombreux physiciens
continuent chaque jour d’étudier et d’entretenir le détecteur afin d’obtenir
des mesures aussi précises que possible.
Quant à elle, la physique dans BaBar concerne principalement les théories de
l’Électro-Faible et de la ChromoDynamique Quantique (CDQ) faisant toutes deux
parties du Modèle Standard, ainsi que la recherche d’effets de physique
nouvelle qui ne pourraient pas être expliqués par ces deux théories. Du côté
Électro-Faible, l’expérience BaBar étudie précisémment la violation ou la
conservaton des symétries CP et CPT par les mésons B neutres de plusieurs
façons différentes. En tirant avantage de son échantillon de données d’une taille
sans précédent, BaBar recherche aussi de nombreux processus rares n’ayant
jamais été observés jusqu’à présent et dont le taux d’observation pourrait
indiquer dans plusieurs cas la présence de physique nouvelle. Du côté de la
CDQ, différentes avenues sont explorées par les physiciens de BaBar,
notamment l’étude des propriétés des quarks b et des processus physique
contenant des diagrammes de Feynman dit « diagrammes pingouins ».
Le tout dans l’optique de mieux connaître et de « surcontraindre »
le Modèle Standard concernant des aspects qui n’ont été que peu ou pas testés
auparavant, ainsi bien sûr que dans l’espoir de découvrir des effets
physiques inexpliqués par le Modèle Standard.
Sur le plan humain, BaBar est une collaboration internationale regroupant 80
universités et centres de recherche provenant de 10 pays et employant plus de
500 physiciens y compris un grand nombre de chercheurs post-doctoraux et
d'étudiants des deuxième et troisième cycles. Tous ces physiciens se
partagent un large éventail de tâches reliées à toute une gamme d'analyses
physiques, mais aussi à l'entretien et au développement du détecteur ainsi
qu'au travail informatique d'ajustement et de développement de la simulation,
des bases de données et du vaste environnement "software" et
"hardware" en général.
Pour sa part, le groupe de l'Université de Montréal collabore à l'expérience
BaBar depuis1995. Il a contribué à la fabrication du détecteur, notamment à
la conception de la chambre à dérive et de son électronique. Il a effectué
des tests de vieillissement des fils de cette même chambre sous l'effet des
radiations, ce qui a nécessité l'élaboration de deux prototypes miniature de
la chambre à dérive. Plus récemment, le groupe a contribué à l'alignement
global de la chambre à dérive par rapport à la chambre à vertex ainsi qu'à
son alignement interne, à l’amélioration de la simulation du bruit de fond
provenant de Pep-II et à l’évaluation de l’efficacité de reconstruction des
pi0. Le groupe a aussi fait des recherches actives du coté de l'analyse
physique en étudiant entre autres les désintégrations de D0 en pi0 pi0 et des
leptons Tau se désintégrant en 7 particules chargées. Présentement, l’intérêt
principal du groupe est l’étude des désintégrations semi-leptoniques exclusives
des mésons B où le quark b se désintègre en un quark u à l’aide des deux
techniques de la reconstruction de l’énergie manquante et de la
reconstruction d’une désintégration D(*) l nu (par l’autre B de la paire).
L'étude de ces désintégrations est cruciale puisqu'elle permet d'extraire la
valeur mal connue de l’élément Vub de la matrice de Cabbibo-Kobayashi-Maskawa
(CKM) en plus d’étudier les facteurs de forme de ces désintégrations
provenant de la CDQ et ainsi tester de récents calculs théoriques prometteurs
issus de la CDQ sur réseau.
David
Côté 4 septembre 2001
Dernière mise à jour, 20 octobre 2003
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